« Le cinéma, la sculpture sur bois, le ramequin, les messes sur la table de la salle à manger… »

Souvenirs de Marie-Gabrielle Dominjon et son frère Pierre-Yves.

Le « Père Saint-Genis », comme nous l’avons toujours appelé chez nous (cela fait seulement depuis deux ou trois ans que je me permets de l’appeler par son prénom sans me résoudre à le tutoyer !) était un très grand ami de mes parents et je pense qu’ils ont toujours beaucoup échangé avec lui dans tous les domaines. Il a aussi accompagné et a participé, de près ou de loin, à tous les évènements familiaux.
J’ai interrogé mes frères et sœur pour qu’ils me rappellent certains souvenirs.

Globalement, il a laissé à chacun d’entre nous, le souvenir d’un prêtre un peu anticonformiste (pas totalement cependant) et très ouvert à toutes les initiatives. Dans les années 1950, il animait le ciné-club de Belley et c’est un très bon souvenir pour Louis-Noël qui s’ennuyait un peu lorsque, étudiant, il revenait de Lyon le week-end. Il a donc fait l’opérateur au Ciné-Bugey, et participait aux débats. Il se rappelle avoir lu avec intérêt un livre que lui avait prêté JC, de Chris Marker probablement, sur l’histoire du cinéma. Encouragé par Jean-Claude, il a formé et animé une troupe de théâtre amateur et ils ont donné « Le Médecin malgré lui », un acte de Maeterlinck, mais aussi des chansons de l’époque. Louis-Noël appréciait beaucoup qu’il n’y ait jamais aucune interférence de la religion dans ces activités.
Une anecdote : Louis-Noël a accepté de partir encadrer un camp de vacances, avec Jean-Claude et le Père Balleydier, à Peisey Nancroix, à condition qu’on le laisse s’occuper et prendre le parti des tire-au-flanc, des peureux, car il n’aimait ni la montagne, ni l’effort physique, ni l’idée que les sommets approchaient du Seigneur… Cela n’a posé aucun problème et il s’est fort bien acquitté de sa tâche ! 
Jacqueline a aussi des souvenirs de théâtre : outre qu’elle participait à la troupe belleysanne lorsque fut monté « le médecin malgré lui », elle se souvient aussi d’être allé à une représentation avec des amis et Jean-Claude, voir « l’œuf » de F. Marceau et,
ce devait être un dimanche, car Jean-Claude a célébré une messe sur la table de salle à manger de l’appartement qu’elle occupait au Pré St-Gervais. J’ai moi aussi des souvenirs de messe dans notre appartement de Belley sans pouvoir dire à quelle occasion !
Mais les deux garçons Dominjon se souviennent aussi avec émotion de la moto de Jean-Claude : une Terrot, 250 CC sur laquelle Louis-Noël et Jean-Lou ont fait leurs premiers essais de conducteur autonomes. Jean-lou devait avoir tout juste 12 ans ! J’ai moi-même le souvenir d’un « baptême » de moto, vers 6 ou 7 ans, séance immortalisée par un film amateur de mon père.

Ce qui caractérise aussi JC pour la fratrie Dominjon, c’est sa générosité. Il aimait donner : il a donné à Jean-Lou une collection de lames de rasoirs, il m’a donné une très belle lanterne en métal ouvragé. Il a sculpté de nombreux objets qu’il donnait : un coupe-papier/épingle de chignon qu’ils avaient prénommée « La chizerette » pour Jacqueline, une bague en bois avec un 50 sculpté qu’il a offert à ma mère, à l’occasion des noces d’argent de mes parents, un cendrier en olivier qui se trouve actuellement chez Pierre-Yves, deux anneaux enlacés en buis qu’il nous a offert pour notre mariage, et récemment un couteau à Henri-Charles…
Il a toujours eu une grande dextérité dans le travail sur bois : sculpter des bâtons durant les camps, nous apprendre à faire des sifflets en sureau et même créer un crucifix en bois et corde pour une chapelle « de passage » dans laquelle il se trouve peut-être encore ? Il fut toujours et reste encore un artiste dans le travail du bois. La pyrogravure avec le soleil est aussi une de ses spécialités…

Jacqueline m’a rappelé aussi une anecdote : alors que Jean-Claude était vicaire à Belley et chargé de l’instruction religieuse en 3ème à Marguerite-Marie, il devait assurer des obsèques à la Cathédrale. Il a laissé sa classe un quart d’heure avant la fin du cours en disant aux élèves : « Recherchez le texte de Luc qui commence par « Laissez les morts enterrer les morts »… et méditez sur ce texte ». Ce n’était pas commun !

Marie-Gabrielle DOMINJON

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« Effectivement, ce cendrier nous rappelle tous les jours le Père St-Genis, comme on l’appelait dans la famille, et non pas Jean-Claude comme le faisait une certaine cour qui s’est agglutinée autour de lui dans les années soixante dix.
Sa générosité était réelle et ne portait pas que sur les mots et les belles paroles. C’est ainsi qu’il m’offrit deux superbes flutes traversières en bois dont une est toujours dans notre bibliothèque.
Pour revenir au cendrier, c’est bien sûr, lui qui l’avait fabriqué de ses mains comme il le fit pour la bague de maman lorsque nous fêtâmes les 50 ans de mariage des parents. Lorsque je lui dis que cette bague était restée avec maman dans le cercueil, je vis qu’il en fut très ému.
Lorsque je passai mon année 68 en terminale au Lycée de Belley, il en était aumônier et on peut dire, sans exagérer qu’il avait déjà tout compris avant les événements.
Sa voix douce et son sourire savaient séduire les lycéens que nous étions et nous le retrouvions aux « cours » d’instructions religieuses, même si ça ne s’appelait pas ainsi à l’époque. Même les non croyants venaient l’écouter et parler avec lui car il était sagesse, bonté et clairvoyance, sans être naïf ni angélique.
Il était très ouvert d’esprit et avait accepté que pour le mariage de mon ami Jacques SALERNO, on joue du Pink Floyd durant la cérémonie à l’église!
Il était très proche des parents et restait parfois le soir pour diner à la cuisine, en toute simplicité. Je me rappelle qu’il avait même amené une fois une sorte de  fromage, genre bleu comme disait papa, de la « vallée de la misère » qui permettait de faire ce qu’on appelait le « ramequin » car on n’utilisait pas le terme faussement raffiné de « fondue » et qu’on devait faire cuire avec de l’eau et manger avec du vin rouge car selon lui, on disait à Tenay/StRambert « avec le ramequin, le rouquin » ce qui d’ailleurs n’avait pas donné un résultat très savoureux !
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En conclusion, c’est cette incroyable intelligence du cœur qui caractérise cette homme qui a marqué, à travers les parents qu’il a vraiment influencés, notre famille et il peut être sûr que son action sur nous tous restera gravée dans notre vie.

Pierre-Yves DOMINJON

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